A l'occasion de la sortie de sa BD « Insolente Veggie, mort à la viande », Rosa B. nous a accordé une interview pour mieux comprendre son travail et les raisons de son succès.
"Je fais des BD, sur ma petite vie de végane où je raconte un petit peu mon quotidien et souvent ça me sert de prétexte à aborder des notions un peu plus fondamentales."
Ses bandes-dessinés adoptent un ton voulant faire rire, en poussant les lecteurs et lectrices à s’identifier à son personnage.
Les différents ouvrages de Rosa B.
Pourquoi la BD fonctionne ?
« La BD est vraiment une source d’informations qui est importante pour moi. Quand je lis des BD, je suis vraiment imprégnée de ce qui se dit dedans […] donc je me dis que c’est peut-être ce qui touche les gens. Je n’ai pas trop identifié le mécanisme, mais je sais que je fonctionne pareil, donc pourquoi pas les autres. »
En effet, la BD fonctionne car elle a le don de mélanger l’écriture et le dessin. La lecture est aujourd’hui en déclin. La cause ? La nouvelle génération s’est habituée à voir des images qui attirent beaucoup plus son attention, voire des vidéos, pour lesquelles nous avons souvent moins besoin de concentration que pour lire un livre. Les graphismes permettent d’attirer l’attention d’un vaste lectorat. Cette combinaison entre image et verbe constitue l’atout ultime de la bande dessinée. Ce que l’image ne peut représenter, le texte peut l’énoncer ; là où le texte manque de clarté, l’image peut être plus efficiente. C’est en cela qu’elle permet d’exprimer les messages les plus complexes. Et c’est peut-être pour cela que Rosa réussit à planter des graines : « je reçois beaucoup de messages de gens que j’ai aidé soit à devenir vegan, soit à mieux comprendre le véganisme ».
Aujourd’hui, les bandes dessinées représentent désormais 13 % des ventes totales des librairies (1), dont les classiques font toujours partie, le dernier Astérix est classé comme la BD la plus vendue en 2019 (2).
De façon générale, Rosa déclare que « les gens ont une bonne image des livres en fait. Tout ce qui passe par un livre, c’est validé par un éditeur, par un diffuseur, par un vendeur, […], donc même si les gens ne se disent pas ça explicitement, un livre c’est pris au sérieux. Donc une idée qui est diffusée par un livre, elle a déjà une crédibilité plus importante que si c’était diffusé autrement. Et moi j’en profite ! »
Une communication multicanal
Même en travaillant sur un support papier, Rosa tient un blog sous le pseudo d’Insolente Veggie, sur lequel elle publie des articles sous formes de BD. Cette interface lui permet de diffuser son travail en ligne, en donnant envie de la suivre, et de plonger dans son univers à travers ses livres.
Capture d'écran du site d'Insolente Veggie
En ce qui concerne la distribution de ses livres, on les retrouve aussi bien chez Leclerc, que chez Biomonde, ou en librairies. Comme l'exprime Rosa, « l’avantage de la vente en grande surface, c’est que c’est vraiment le lieu où Monsieur et Madame tout le monde vont faire leur courses, on passe tous et toutes par là bas. Et tout ce qui est dans une grande surface, c’est validé par 90% de la population ». Les supermarchés et les hypermarchés sont des lieux pertinents car une majorité de la population s'y rend. Avoir accès à des idées nouvelles, et à l'antispécisme particulièrement, dans des surfaces où autant de personnes se rendent, est une opportunité de rendre accessible ces idées. En somme, c'est un canal efficace.
La diffusion du messsage antispéciste peut se faire dans des lieux grand public
Un feedback important
L’autrice nous confie, « j’ai souvent des gens qui me contactent sur les réseaux sociaux, ou par message privé ou des gens que je vois en dédicaces, qui me disent que mes BD ont joué un rôle important dans leur prise de conscience, sur la transition vers le véganisme, ou alors même pas devenir végane mais juste mieux comprendre ce qui se passe, pourquoi les gens sont véganes. »
Aujourd’hui, cette affirmation peut paraître étrange, alors que sur les réseaux sociaux, énormément de commentaires sont négatifs : les personnes mécontentes sont plus actives que les autres.
« Je ne reçois pas beaucoup de messages hostiles [...] Mais y a peut-être des choses que j’identifie pas, comme les gens qui ont lu mes BD, qui ont détesté, et qui du coup ont une opinion plus négative du véganisme après qu’avant. Sur ça, j’ai pas trop le moyen de quantifier. »
Un phénomène d’identification au personnage
« Je pense que j’ai un gros avantage, c’est que je suis vraiment madame tout le monde, c’est-à-dire que je suis moyenne pour tout, donc c’est assez facile pour les gens de s’identifier à moi via mon personnage. »
Et cette identification facile se retrouve aussi dans l'adoption des codes des réseaux sociaux, et particulièrement du "réseau à punchlines" qu'est Twitter.
Ce qu’elle confirme : « J’aime les choses que tout le monde aime, à part le fait d’être vegan. Je veux dire je suis une personne tellement lambda, que c’est facile pour les gens de s’identifier à moi. »
Une diffusion laissée à ses fans
La notoriété de Rosa n’est pas à refaire dans le mouvement antispéciste, et c’est cela qui facilite la diffusion de son travail. En effet, avec les bandes dessinées en format papier ou sur internet, l’autrice n’écrit pas dans l’objectif que les gens partagent ses bandes dessinées pour la diffusion de ses idées, mais elle compte majoritairement sur la pertinence du contenu pour l'émission de son message. Car, nous dit-elle : « Personne ne me trouve pertinente à 100% du temps mais quand ils trouvent quelque chose de pertinent, ils le diffusent naturellement. […]. Il y a un tel potentiel de diffusion que les gens le font assez naturellement avec l’utilisation des réseaux sociaux ». L’accent est donc mis sur la capacité de relai d’opinion de son lectorat : « Moi je m’occupe surtout de faire mes BD, et ce qui se passe après, c’est un peu hors de mon contrôle. ».
Par contre, le processus d’écriture est très précis, depuis l’idée fondamentale à transmettre, puis ses raison, et enfin l’argumentaire à mettre en place.
Si l'influenceur et l'influenceuse sont des personnes qui impactent la consommation d'une personne ou groupe de personne, Rosa B en est une.
En effet, son utilisation des médias sociaux et de ses ouvrages a pour but de modifier le comportement d’achat et de pensée, en allant à l'encontre des idées spécistes de la société actuelle.
Un ton très humoristique
L’alliance entre les images et le texte sont un moyen pour illustrer des citations comme sur la couverture du tome « une végétalienne très très méchante », où l'on voit le personnage se mettre à la hauteur d’un cochon tout en le regardant.
Cette couverture montre que l'autrice se joue des préjugés à l'égard des personnes végétaliennes : le personnage semble plutôt incarner la bienveillance. Et c’est souvent le principe utilisé par Rosa B. dans ses livres : illustrer des paroles ou des échanges avec des personnes participants à l’exploitation animale avec des dessins réels, mais incompatibles.
Il donc est clair que plusieurs leviers rendent la communication du message antispéciste par Insolente Veggie efficace. Le format des bandes dessinées, l'humour et l'accessibilité (on peut trouver son travail en grande surface et sur internet), tout en étant au plus proche de son public en se dessinant elle-même comme une personne lambda, sont les piliers de sa communication. En effet, l'humour sert à jouer sur une émotion positive, alors que notre message est tès souvent perçu comme agaçant, horrible ou larmoyant, et traité habituellement autour d'un clivage sérieux. L'effet de proximité rend l'identification du lecteur ou lectrice plus facile, et la cause parait moins sectaire. Enfin, Le fait de trouver ses ouvrages en grande surface permet de toucher un maximum de personnes.
C'est une communication engagée encouragée par Spread The Message !
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